10/04/2015

Comment expliquez-vous cette vision du monde quasi magique dans tous les pays arabes ?

          Généralement, l’être humain se sent impuissant face au monde extérieur environnant qu’il n’arrive pas toujours à comprendre, à décrypter. Et comme nos sociétés musulmanes sont presque toutes dépendantes de la région islamique, elles comptent sur l’occultisme pour expliquer ce qu’elles ne comprennent pas. Cette culture empêche, par ses légendes et superstitions inculquées aux individus dés leur plus jeune âge, toute libération de l’imaginaire de l’être musulman. Et cela représente une barrière, un vrai frein devant les aspirations de l’individu dans les domaines scientifiques et philosophiques. L’homme dans ces contrées islamiques devient alors fataliste, croit que tout vient d’Allah. Ce n’est pas pour rien si l’expression inchallah, « si Allah le veut », est la plus galvaudée chez les musulmans.

Selon vous, à quoi est dû le silence de beaucoup d’intellectuels arabes vis-à-vis de cette montée irrationnelle vertigineuse ? Pourquoi peinent-ils à combattre frontalement ce retard mental qui fait le nid de l’islamisme ?

            L’intellectuel arabe ne possède pas les outils nécessaires pour accueillir tout ce qui vient de l’extérieur de sa culture. Il subit son patrimoine culturel uniformisateur qui lui laisse peu de chance de s’investir dans un quelconque changement. L’intellectuel de ce monde dit arabe craint de heurter son environnement et, pour cette raison, il reste soumis à la réalité culturelle archaïque. L’influence de la religion sur sa psychologie est immense et presque castratrice. Elle lui ôte la possibilité de penser librement, de sortir de sa cage culturelle.

Vous écrivez que votre livre « Les Cryptes des Dieux » n’est pas une remise en cause des croyances religieuses, mais un voyage dans les profondeurs de l’esprit dans le but de chercher l’origine de ses croyances…

            J’ai évoqué dans ce livre certaines théories traitant de l’origine des dieux et des spiritualités pour pouvoir comprendre leurs idées forgées durant des siècles et des siècles jusqu’à ce qu’elles deviennent des labyrinthes qui étranglent l’individu. Surtout dans une culture qui écrase l’individu comme le fait à merveille la culture arabo-musulmane. Jusqu’à présent le Dieu d’ici incarne tous les conflits psychologiques, comme il incarne le désir de certains groupes à dominer les autres. Cela veut dire que ce Dieu n’a pas encore atteint le niveau de la maturité spirituelle chez ses adorateurs. il lui reste beaucoup de chemin à faire. En revanche, la religion a dépassé les limites de son domaine psychologique et intime pour devenir juge, mentor, conseiller et bourreau de ses croyants. Comme une pieuvre, elle s’est emparée de la raison de ces sociétés qui a transformé à son tour l’individu en un être qui n’a comme préoccupation première que la satisfaction de ses besoins élémentaires pour survivre. En d’autres termes, la religion s’incruste profondément dans la vie des individus pour faciliter leur assujettissement. Ce qui les plonge dans un état de souffrance durable et une insatisfaction chronique.

Pourquoi appeler à une journée nationale de dépucelage dans des pays où les mâles sont rois, dans des sociétés étranglées par les tabous ?

             La sacralité de l’hymen reflète à elle seule l’essence d’une culture tout entière basée sur la discrimination entre les deux sexes ; la femme n’y est que l’outil de l’homme, et l’hymen revêt une valeur morale qui emprisonne les femmes dans un cercle très restreint qui les poussent à rester vierges, une virginité présentée comme certificat de bonne conduite. Ainsi la femme voit-elle dans l’homme/mari une fin vitale au lieu de travailler pour se réaliser, comme personne autonome et libre. Ce texte est venu comme une intifada contre cette compréhension islamique esclavagiste de l’hymen. C’est un appel pour le changement et l’incarnation de la valeur de l’individu et contre la discrimination sexuelle.

Pouvez-vous développer votre idée sur le rapport de la sexualité à la religion et à la liberté ?

              Le sexe est un besoin biologique qui ne diffère pas des autres besoins biologiques. Quant à sa gestion, cela dépend des convictions de chacun, le désir de se faire plaisir étant une question personnelle. Mais nos sociétés embrigadées dans les valeurs de la vertu ont réussi à travestir les instincts et, d’une question personnelle ne concernant que l’individu lui-même, elles ont fait le rapport à une quantité de croyances et de tabous. En conséquence, le sexe est devenu le moteur principal et inconscient de la façon de penser des musulmans, car nous trouvons une culture, des notions, des concepts, des valeurs fondés sur le tabou du libidinal. Selon moi, notre court voyage sur cette terre devrait, avant toute autre chose, privilégier une réconciliation avec nos instincts dans le but de trouver un certain équilibre entre l’individu et la société. Seul moyen pour arriver à une nouvelle conscience.

Que voulez-vous dire par l’expression « la prison de la vertu » ?

               La maturité psychologique de l’individu est le résultat d’une compréhension de ses sentiments contradictoires. Condition sine qua non pour garantir le contrôle du comportement. La conscience est un état changeant tributaire de l’évolution du degré de connaissance des individus par rapport à tout ce qui les entoure. Inutile donc de mettre l’instinct et l’idéal en contradiction permanente. Le meilleur moyen pour créer des comportements schizophréniques. Imposer une uniformisation de la vérité, de la connaissance et de la conscience, ou une conception immuable du parfait et de la vertu, comme fait la culture du troupeau, est le produit d’une loi mécanique, aveugle aux découvertes et au changement.