MEDEF, FRANCE            30-08-2012

Intervenants

Diane Ducret, écrivain, chercheur
Raphaël Glucksmann, journaliste et réalisateur
Randa Kassis, écrivain, auteur de « Les coulisses des dieux », membre du Conseil National Syrien.
Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation Mondiale du Commerce
Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances
Michel Pébereau, président d’honneur de BNP Paribas
Dominique Reynié, professeur des universités à Sciences Po, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique
Dimitris Tsitsiragos, vice-président de l’ IFC, groupe Banque Mondiale
Loula Zaklama, présidente directrice générale du groupe Rama
Animateur
Gérard Leclerc, président directeur général de LCP-Assemblée nationale

COMPTE RENDU

Randa KASSIS : Il est vrai que chaque pays est différent des autres dans ce monde arabe. La société syrienne est formée de plusieurs composantes et minorités. Quand on parle des minorités, nous ne parlons pas seulement de minorités chrétiennes ou religieuses, nous parlons aussi de minorités idéologiques, ethniques, etc. Voilà qui peut nous mener à reformer la Syrie d’une autre façon.
On a l’habitude d’entendre qu’il y a une majorité sunnite ou musulmane en Syrie et une minorité chrétienne, ce qui n’est pas vraiment le cas. D’abord, nous ne pouvons pas mettre
Jeudi 30 août – après-midi – Plénière / Trop ou pas assez d’autorité 7
les musulmans « dans le même sac », de même que les islamistes, et il convient d’examiner ces groupes dans le détail.
Nous avons plusieurs minorités : les Kurdes font 12 à 15 % de la population syrienne, les chrétiens, 8 %, les Alaouites, 12 %, les Druzes, etc. Il ne faut pas oublier les laïcs syriens, qui sont aussi des sunnites, des chrétiens. Toutes ces minorités, ou la majorité de ces minorités, ne soutiennent pas vraiment l’insurrection aujourd’hui, ou la révolte en Syrie. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. Il y a la crainte de l’inconnu, la montée de l’islamisme. Ce qui était au début de la révolte, des manifestations, des contestations pacifiques, ne l’est plus aujourd’hui. On est passé à une autre phase, avec l’armement des civils, et c’est cela qui est le plus dangereux.
Nous sommes d’accord sur le fait que le régime est tyrannique. Mais quand nous voulons combattre, ou que nous combattons un régime autoritaire, un régime répressif, nous devons savoir que nous combattons aussi toute pensée répressive. Alors, il n’y a pas que le régime à combattre, il y a les islamistes, la pensée totalitaire, qui est en train de monter en Syrie. Nous ne pouvons pas gagner cette révolte si nous n’arrivons pas à convaincre les minorités, surtout, je me réfère à la communauté alaouite, qui soutient le régime d’Assad.
Pourquoi soutient-elle le régime d’Assad ? Ce n’est pas parce qu’elle veut garder ce pouvoir d’une façon absolue, mais elle a peur d’une persécution, des massacres après la chute d’Assad. Cette communauté vit dans la peur, elle devient plus rigide. Nous voyons qu’en Syrie, chaque groupe devient plus rigide. Cette diversité du début, cette richesse de pensée, n’a plus cours aujourd’hui. Nous sommes face à deux camps : un camp anti-Assad et un camp pro-Assad. Et il y a la masse silencieuse, cette masse qui ne veut pas soutenir ce régime, mais qui ne veut pas non plus soutenir le camp anti-Assad par peur des islamistes.
Personnellement, j’ai alerté plusieurs fois sur cette montée-là, qui est de plus en plus forte. On voit des vidéos qui montrent des violations contre les humains, des égorgements, des atrocités. Avant tout, nous devons faire en sorte que les opposants syriens condamnent ces violations. Après cela, nous pourrons travailler sur la transition. Même si Bachar AL-Assad tombe demain, le conflit, la crise syrienne continuera.
Aujourd’hui, ce n’est pas seulement Assad. Nous combattons tout simplement pour ce pluralisme dans ce pays. Nous devons travailler sur ces minorités, sur la masse silencieuse, parler même avec la communauté alaouite, travailler sur les défections des Alaouites. Jusqu’à aujourd’hui, aucune défection n’est observée de la part des grands généraux, qui appartiennent à la communauté alaouite.
Travailler sur cela, c’est le plus important, et travailler sur le partage du pouvoir après Assad. Le pouvoir ne sera pas dans les mains des seuls islamistes, mais dans celles de toutes les composantes de la société syrienne. C’est cela, ce que je peux dire pour l’instant sur ce qui concerne la Syrie. Je crois que c’est un travail de longue haleine, c’est un travail de culture. Travailler sur le changement des mentalités n’est pas facile, et nous ne pourrons pas réussir du jour au lendemain. C’est un travail sur plusieurs générations. C’est la culture qu’il faut changer.
Chaque être dans cette société a un esprit répressif. Pourquoi ? Pour la seule raison que cela fait des décennies qu’elle a été opprimée. Cela est donc tout à fait normal, on est incapable de voir l’existence de soi-même en face de l’autre qui lui est différent. C’est une
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culture que chaque individu syrien a apprise, de supprimer l’autre pour exister. Il faut donc changer cette culture-là, en commençant par travailler sur le pluralisme de ce pays.

 

Reference :  Plénière : Trop ou pas assez d’autorité

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