31/03/2010

Dans les sociétés arabes, l’individu rationnel aspire à séparer la religion de la politique dans l’espoir de répéter l’expérience de la sécularisation dans ces sociétés. Cependant lorsque l’on regarde ce sujet de plus près, nous constatons que nous sommes de plus en plus nombreux à demander la séparation totale et inconditionnelle entre la religion et la pensée avant sa séparation de la politique. Nous aspirons tous à une connaissance qui nous permet de découvrir de nouveaux horizons menant à des bienfaits individuels et collectifs. Ici, je pense qu’il est important de s’appuyer sur une pensée ouverte au changement, ne reposant pas sur des bases qui ne peuvent être révisées. Notre approbation des principes immuables va à l’encontre des changements qui affectent continuellement nos constantes environnementales temporelles.

Laissez-­nous au début revisiter le concept de la connaissance. La plupart du temps ce concept est confus au point que son sens fondamental est perdu. Il ne fait aucun doute que la connaissance repose sur une fondation constituée d’informations disponibles. Comme l’explique Naccache, l’expert en neurologie: «la connaissance est le récit du moi .» A chaque fois que nous tentons de découvrir ce que nous ignorons ou à chaque fois que nous cherchons une compréhension plus large de l’information dans le but de la transformer en un concept intellectuel, nous devons examiner de nouveau toutes nos croyances et tous nos concepts. A chaque introspection  nous devons nous dépouiller des préceptes du «moi» ancrés dans les croyances et les doctrines qui s’accumulent dans notre mémoire pour former une barrière tyrannique et oppressive qui rappelle le mur de Berlin. C’est pourquoi nous devons nous libérer de tout ce qui peut entraver notre chemin vers la connaissance. Cela devient possible que lorsque nous défions la structure du «moi» en acceptant des idées différentes et lorsque nous adoptons un mode de pensée fondé sur un double acte continu de destruction et de construction.

Quand nous essayons de définir la constitution du «moi» nous constatons qu’il est basé sur des doctrines acquises de la culture collective. C’est ce que nous appelons un récipient collectif car il maintient chaque individu sous des couches héritées de croyances, de visions et de notions. Le conteneur culturel le plus large recouvre et interfère avec un petit récipient fait de choses apprises et acquises dans notre environnement familial et éducatif. 

Il faut ajouter au recouvrement de ce conteneur composite externe, la constitution biologique de chaque individu. L’environnement extérieur a un grand effet sur l’émergence de gènes spécifiques. Lorsque nous nous efforçons d’avoir une compréhension plus large des faits en dehors de ces divers récipients, nous devons placer le « moi » dans un cadre externe pour qu’on puisse le restaurer.

Il y a ceux qui plaident pour la nécessité éthique de maintenir la religion comme ultime juge de la pensée en lui accordant des aspects qui dépassent toute dimension universelle. Ils commenceraient d’abord en exposant la grandeur et la sagesse religieuse mettant ensuite en exergue son ascendant non-­‐humain dans le concept de connaissance pour conclure avec un discours traditionnel sur la nécessité de restreindre les individus et les confiner dans un melting-pot collectif. Ils poursuivront alors, avec ces accusations, ces réprimandes, ces prêches qui ne finiront qu’après notre mort. De plus, et étant donné que nous demandons la nécessité de respecter le point de vue de l’autre en essayant de comprendre son origine, nous sommes obligés d’écouter les idées confuses empreinte de lyrisme et de valeurs immuables, qui manquent cruellement de nouveauté et qui sont en désaccord total avec notre époque moderne.

Analysons à présent les origines de cette religion. Elle est basée sur une activité psychologique qui enflamme des sentiments contradictoires tels que la peur et la tranquillité, la terreur et la sécurité … Par ailleurs, nous observons une religion dépourvue de découvertes. La fossilisation de la religion dans les textes divins, explique comment et pourquoi le discours religieux s’est renfermé sur lui-­‐même et sur le lexique et les expressions qui régissent ses significations. Il est devenu prisonnier de ces significations, incapable de faire le moindre mouvement, caractérisé par des termes immuables. Pour cette raison, il est devenu peu fiable pour découvrir ce qui meut notre désir de connaître les choses. L’abandon de la découverte, c’est l’abandon de la connaissance en tant que telle, car la connaissance est le résultat de l’exploration, et la découverte est la somme des diverses analyses et interprétations des différentes observations des idées issues de la réalité extérieure. De cette somme sont constituées des hypothèses utilisées pour reconstruire les théories qui ont besoin d’être soutenues par des exemples afin de les tester et les prouver dans une étape ultérieure. Pour cette raison, nous devons remettre en question la pratique de fonder la connaissance provisoire sur des bases immuables, ou comment construire la science sur des fondations religieuses. C’est là que réside le problème. Le mutable a besoin de principes et de fondements flexibles qui peuvent être annulés et révisés. C’est pourquoi la religion est tout à fait en dehors de l’arène de la connaissance et de la pensée. C’est pour cette raison que j’approuve les voix demandant la séparation entre la religion et les connaissances essentielles pour maintenir une sphère autonome, où la créativité et l’invention peuvent prospérer. Cet acte de séparation nous prépare également à un climat social propice à l’échange positif d’idées.

Beaucoup de philosophes ont apporté différentes explications au cas de la pensée comme « Hume » qui a examiné la relation entre les connaissances et les impressions sensorielles. Une telle connaissance ne peut être précise et elle n’est pas non plus innée, car elle dépend de la perception sensorielle individuelle et de l’expérience progressivement renforcée par la répétition et par d’autres méthodes pragmatiques.

En ce qui concerne la biologie, elle nous a donné aujourd’hui une explication plus solide que celle proposée par les philosophes de l’époque. Nous ne devons pas oublier l’effet de la psychanalyse et sa dépendance à la neurologie expérimentale qui nous a permis de comprendre la structure et les fonctions du système nerveux. Elle nous a donné une occasion plus large d’éviter les erreurs. Lorsqu’une personne ou un groupe de personnes adoptent des principes immuables ils deviennent incapables d’apprendre. En d’autres termes, cette attitude détruit la possibilité d’étendre les activités neuronales de la partie du cerveau responsable de l’apprentissage. C’est pour cette raison que l’individu refermé sur ses concepts aura du mal à accepter les idées et les événements qui lui permettent d’évoluer. Cela conduit à un retard intellectuel. L’individu est coincé dans un état intellectuel statique, incapable de vivre dans son temps et de faire face aux changements qui s’y produisent. Le développement de la pensée est impossible sans la diversification des expériences enrichissantes et sans une interaction intellectuelle collective. C’est pourquoi nous pensons qu’il est de notre droit de demander que la religion retourne à son origine, c’est‐à‐dire les sentiments.

Il ne fait aucun doute que chacun de nous est différent dans sa perception des choses et de la réalité externe parce que la perception elle-­‐même est fondée sur des visualisations mentales basées sur des convictions et des explications résumées dans le «moi». Nous devons nous efforcer en permanence de reconsidérer les données situées dans cette construction. Cela n’est possible que par la critique et par les tentatives continues d’ouverture aux idées différentes des nôtres, car il nous faut admettre notre propension à l’erreur ainsi que la nature limitée et peu convaincante de notre conscience et de notre connaissance. L’erreur et l’exactitude sont étroitement liées, ils reflètent les tentatives considérables qui cherchent à atteindre une conscience plus large de tout ce qui nous entoure.