Huffingtonpost              26/05/205

INTERNATIONAL – Après Nymrod, Hatra, et le musée de Mossul en Irak, la ville ô combien mythique de Palmyre, ce joyau du désert, carrefour des civilisations grecque, romaine, perse et arabes succombera t-elle à son tour aux buldozers et aux masses des hordes sauvages de Daech?

Située à seulement 200 km de Damas, cette prise de guerre renforce assurément l’emprise de l’État islamique, qui contrôle désormais la moitié du territoire syrien.

Dans ce contexte, la maîtrise de Palmyre sonne le glas de la stratégie des Occidentaux dont l’échec est patent.

Or chacun sait que la politique d’isolement de Damas pour ne pas renforcer le régime autoritaire de Bachar el-Assad, conduit irrémédiablement à une impasse stratégique.

De fait, cette dernière est d’ailleurs couplée à la mise au ban de l’Iran compte tenu des contentieux passés et de la question du nucléaire, tout comme la mise à l’écart de l’Égypte, en raison des critiques liées à la prise de pouvoir et aux méthodes musclées contre les Frères musulmans, ou encore, le double jeu de la Turquie avec les mouvements terroristes,et pour finir, la non-prise en compte des risques pour le Liban et la Jordanie.

Pour l’heure, peut-être que les jours de Bachar-el-Assad sont comptés, mais attention toutefois aux prévisions hâtives! “déjà à l’été 2012, le régime est passé par une période très difficile. On jurait sa perte, mais il s’est rétabli grâce à l’aide russo-iranienne” déclare un diplomate de l’ONU

Comme le souligne le journaliste Georges Malbrunot, sur le plan diplomatique, la clef de la solution est à Moscou et à Téhéran. Penser que le régime allait s’effondrer d’un bloc après quelques semaines de manifestations était une vue de l’esprit. Articuler une diplomatie à partir de cette chimère a conduit la France dans une impasse. A la place, il aurait mieux valu nouer un vrai dialogue avec les Russes, en y associant d’autres pays européens, les allemands par exemple, en bons termes, tout à la fois, avec Moscou et Damas…

Assad fait partie du problème et de la solution

“Qu’on le veuille ou non, Assad est une force existante sur le terrain. Il fait partie du problème mais aussi, bien évidemment, de la solution. Cette position du département d’État le rapproche quelque peu de celle de la Russie sur le conflit syrien.” confie volontiers Randa Kassis, l’une des figures de l’opposition syrienne.

Dans cette perspective, la diplomatie russe a en effet initié à Moscou, du 26 au 29 janvier 2015, un dialogue intersyrien entre le régime de Bachar-el-Assad et des opposants non islamistes. L’idée est de substituer à la guerre une solution politique négociée.

Et c’est ainsi que pour la première fois, un dialogue direct a été institué entre opposants et représentants du régime.

“C’est précisément parce que la Russie est l’alliée du régime de Damas qu’elle est la mieux placée pour le convaincre de modifier sa ligne intransigeante! La confiance ancienne qui existe entre Moscou et Damas et la dépendance militaire et partiellement financière du régime à l’égard de la Russie donnent un poids particulier au Kremlin dans toute solution politique qu’il viendrait à soutenir. En un mot, dans cette crise, les Russes sont incontournables”, souligne Randa Kassis
L’avantage des Russes, c’est qu’ils sont pragmatiques. Ils ne se bercent pas d’illusions. Ils savent qu’on ne ramènera pas la paix tout de suite et partout. Ils privilégient une approche par étapes et par régions.

S’agissant de la feuille de route à mener, “Il faut déjà trouver un accord entre régime et opposants non islamistes et raisonnables sur toutes les zones contrôlées par le régime. Cet accord doit déboucher sur un gouvernement de réconciliation nationale, où Bachar peut jouer éventuellement un rôle de transition. Ce nouveau gouvernement définira qui sont ses alliés, et qui sont ses ennemis, afin d’exterminer les islamistes radicaux. Les Kurdes du PYD sont des alliés naturels dans cette lutte: ils ont démontré dans la bataille de Kobané leur bravoure et leur efficacité.” martèle Randa Kassis

La Turquie doit définir sa position

Dès lors, il serait temps que la Turquie définisse sa position. Jusqu’à présent, elle a mis des bâtons dans les roues de toute solution de paix ; elle a soutenu militairement et financièrement les djihadistes de l’État islamique. Elle a joué l’apprenti sorcier, tant elle est obsédée par la question kurde et par son souci de restaurer l’influence ottomane ancienne. Erdogan n’est guère moins qu’un islamiste radical. Sous son allure respectable, on a cru à sa modération. “La vérité c’est qu’il veut instaurer un État islamique en Turquie. Il est passé d’ailleurs du stade de la dissimulation (la traditionnelle taqiya musulmane) à l’exposition arrogante de ses idées” précise l’opposant syrienne.

L’association de l’Iran est nécessaire

Dans cette perspective, il nous semble fondamental d’associer l’Iran à la résolution de la crise syrienne.

Pour mémoire, il y a deux ans, Laurent Fabius s’était opposé à la venue d’une délégation iranienne à la première conférence de Genève sur la Syrie. Aujourd’hui, les opinions sont diverses à Paris. De plus en plus de politiques et de diplomates estiment qu’il faut prendre les réalités telles qu’elles sont et donc associer à terme l’Iran à la résolution de la crise syrienne et mettre les pétromonarchies du Golfe et la Turquie face à leurs responsabilités.