21/04/2010

Nous ne naissons pas héros ou lâches, mais ce sont nos engagements dans la vie qui déterminent notre destin. Et mon destin s’est lié à une époque déterminée à ce pays qui remue en mon tréfonds toutes mes dispositions psychologiques à l’explosion.

Je ne puis donc séparer mes expériences de mon être, puisque Je suis le produit d’un héritage génétique et de l’influence de l’environnement où j’ai grandi et, par la suite, des expériences faites. Ma recherche de la liberté au sens le plus profond m’a retenu à Paris et non des apparences superficielles. Parce que La liberté est tout d’abord un choix et puis un engagement à l’égard de ce choix malgré les obstacles inattendus. Nous recherchons la liberté pour la liberté même, et non pour des petits intérêts égoïstes, car c’est elle qui nous guide à de nouveaux concepts et à l’énergie nécessaire à la vie, comme l’air est nécessaire aux poumons.

Je sais que Paris ne me donnera pas ce que je cherche, car je pense qu’il n’y a pas de ville ou de pays qui ait pu dépasser le cadre étroit qui enferme l’Homme dans un cercle ethnique et national dont les idées servent l’intérêt du groupe. Mais à Paris, au moins, l’individu peut quand même tracer son chemin au milieu de ces convictions étroites, car il a le droit de se singulariser par ses idées et opinions.

Notre court voyage dans la vie n’est qu’une recherche humaine pour le développement de sa conscience afin qu’elle englobe tous les êtres vivants. L’Humain a pu au cours de millions d’années développer son système sensoriel et s’élever graduellement vers des idées détachées d’un cadre étroit et limité.

La course de l’humanité est la même pour tous les humains et n’a d’objectif que la liberté. On ne peut trouver cette liberté qu’en se libérant des désirs égoïstes qui nous enchainent et on peut alors élever nos perceptions et les traiter avec des nouvelles et harmonieuses idées.

Cette liberté que je recherche est dans toutes les contrées du monde. Pour cela, j’estime qu’il est nécessaire d’être à l’affût d’idées et opinions indépendantes de l’appartenance géographique et catégorielle afin d’arriver à plonger dans les profondeurs et voler dans les espaces plus larges. C’est seulement de cette manière que nous pourrons parcourir des distances palpables et aurons conscience de tous les sentiments ressentis par chaque être vivant pour finalement s’unir avec eux. Un voyage initiatique serait par conséquent le résultat de l’être qui sommeille en chaque entité et ce, en tout temps et en tout lieu.

Je reviens brièvement à la ville que j’admirais un jour. Paris, la ville-lumière comme la qualifient ses admirateurs. Je me demande si je l’ai seulement considérée un jour comme le symbole de la lumière ou du rayonnement intellectuel. Je ne dirais pas ce qu’elle signifiait pour moi, mais je dirais simplement que je l’ai aimée en un temps donné et que je l’ai détestée en un autre. Une ville remplie de contradictions comme notre intérieur ambivalent où s’affrontent nos besoins, nos traditions et le désir de libérer cet intérieur de ses inhibitions.

Paris reflète notre nature dans sa beauté et sa laideur. Elle accueille toutes les nationalités, religions et croyances et toutes les tendances psychologiques et physiques possibles. Elle ne refuse personne mais exerce sur tous ses pressions poussant à la fuir à des milliers de kilomètres. Elle est semblable à une jeune fille qui nous a convaincu de sa beauté et qui s’impose comme un absolu même si nous ne croyons pas du tout à l’absolu. Elle sait comment essuyer nos larmes et nous pousse d’une manière inconsciente à lui donner les qualificatifs qu’elle désire. Elle nous a spolié de notre droit à attaquer ses composants et si nous le faisions, nous serions des ignorants imperméables à la beauté, à la création et à la liberté.

Cette ville sadique brandit son fouet pour nous donner un peu de plaisir et beaucoup de douleur, même si l’on n’a pas de penchant masochiste pour accepter ce qu’elle impose. Mais, par la nature rebelle qui nous aide à détruire les liens et des vieilles traditions, on arrive à apprendre l’art si typiquement français et parisien du démembrement et de la déconstruction, pour établir sur ces décombres des nouvelles valeurs, critères, une autre vue pour l’art, la lumière et la création.

Paris a-t-elle le droit de monopoliser la lumière comme un roi monopolise le trône ? Je réponds par ce terme inspiré du siècle des Lumières : que signifient les Lumières ? Kant considère que les Lumières sont la liberté de la Raison et du Jugement. Les Lumières sont la vision claire de ce que nous voyons par nous-mêmes, c’est-à-dire le jugement d’un être individuel sur toutes les conceptions, traditions et méthodes scientifiques. Il ne nous suffit pas de répéter ce que disent les scientifiques et les théoriciens pour prétendre que nous sommes éclairés. Nous devons soumettre toute chose à la critique pour trouver des règles appelées elles aussi à la destruction.

De quel droit peut-on dépouiller d’autres villes qui ont apporté des idées nouvelles ? Il y a bien longtemps que Paris n’apporte plus rien. Cette ville est aujourd’hui comme une vieille dame qui va d’une opération de chirurgie esthétique à une autre pour retrouver sa séduction et sa brillance perdues. Oui, Paris semble incapable de sortir de sa vieillesse et de recouvrer une nouvelle jeunesse.

Certains se fâcheront en lisant un tel jugement sur cette ville brillante. Mon désaccord avec tous ceux qui lui ont accordé le blason de la beauté n’est pas une injustice. Je présente les choses selon mes propres règles et j’analyse les mots, les paroles et les valeurs pour construire des règles issues de mes expériences, de mes lectures et de mes spécificités personnelles, pour les comparer ensuite avec les spécificités et les expériences des autres.

Les philosophes et les écrivains au siècle des Lumières considéraient Paris comme le centre de l’inspiration et la France comme un espace de lumière car elle a eu le courage d’abattre le despotisme. Elle inspirait les penseurs et les poètes. Mais peut-elle pour autant conserver le droit de garder cette qualification à jamais ? Son histoire ne nous a-t-elle pas appris que l’Homme est capable de changer les concepts et que la liberté est un long chemin qui commence en premier par la pensée et l’analogie ?. L’Homme libre n’est-il pas celui qui juge les choses à travers une étude qui débute par lui-même et va jusqu’à l’infini ?. Se questionner à propos de cette qualification n’est pas une atteinte au droit ou à l’honneur de Paris, à une ville qui a lutté à une époque et qui a voulu la liberté à une autre. Ce que je veux, c’est de libérer Paris de tout éloge ou jugement et qu’elle se débarrasse de toutes les qualifications mythiques, afin de lui redonner de nouveau un nouveau visage.

La beauté et la créativité sont changeantes. Et la personne qui s’enferme dans des mots superficiels et qui n’est qu’au regard des autres est sûrement un être malheureux et appelé à disparaître.

Et parce que j’ai aimé Paris un jour, je voudrais la libérer de toutes les appellations et, peut-être regardera-t-elle son être plus profondément et se reconstruira-t-elle pour créer de nouveaux critères et alors je m’unirai à elle de nouveau et je nagerai dans l’espace de sa rébellion.

On a beaucoup dit sur Paris mais je n’y ai trouvé que très peu. Mon œil s’est peut-être habitué à son style urbanistique et mon regard a commencé à apprécier toutes les villes qui ne lui ressemblent pas, car Le regard est avec le temps capable de voir la laideur dans la beauté et tirer la beauté de la laideur. Je suis à la recherche des nouveaux océans pour nager librement sans crainte ou peur de leurs rochers.

Après toutes les années que j’ai passées ici, je me vois comme un poisson dans un aquarium propre et décoré de fleurs. Oui, je ressens cette ville s’enrouler autour de moi comme une vipère et m’étrangler à chaque fois que je respire. Je suis en constante querelle avec ses concepts et son chauvinisme sans limites.

On peut aussi dire aussi que Paris m’a aidé à renverser les mesures : j’ai commencé à scruter davantage les modèles en cours avant de les adopter. Et peut-être, Paris, m’a-t-elle aussi incité à ne voir dans la majorité des formules et des idées que des lettres éparpillées et m’a-t-elle inspiré le devoir de plonger dans mon être pour comprendre d’autres êtres. C’est elle qui m’a conduit à palper mes sentiments perdus pour sentir les autres. Cette ville m’a appris aussi à vaincre en même temps haine et amour et à transformer la mauvaise expérience en de bonnes puis en profiter. Elle m’a appris… et je ne sais ce qu’elle m’a appris. Mais je sais que je me suis réconcilié avec elle et avec mon être.

De nombreuses pensées contradictoires et interpénétrées semblables à l’aspect de cette ville me saisissent ; Paris se reflète sur la personnalité de chaque individu. Nous la voyons belle et ensorcelante aux yeux des naïfs, laide aux yeux de ceux qui sont incapables de plonger dans ses profondeurs et méchante, voleuse et prostituée aux yeux du reste. Quant à moi, je la vois comme je me vois moi-même. Elle est de toutes les transformations et de tous les changements, elle est celle qui est vêtue de tous les mots et de toutes les formules belles et laides, superficielles et profondes. Elle est ces soupirs et ces plaintes qui surgissent de ses tortionnaires et de ses admirateurs. Elle est l’amante toujours renouvelée fuyante ses geôliers.

Reference : Paris sous un autre regard. 2ème partie